Pour qui sonne l'UGLAS
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L'étape Milau - Avignon : Unique année
ou le tour de France passera par le Col
d'Uglas. |
Le Tour de France est parfois cruel. Il prend un plaisir sadique à faire mal
quand on s'y attend le moins. Le 10 juillet 1960, Roger Rivière, victime d'une
terrible chute en bas du col du Perjuret, perdit un Tour qu'il pensait dans la
poche. Le champion ne s'en est jamais relevé. L'homme non plus. .
10 JUILLET 1960: LE DRAME RIVIERE Ce n'était pas le Galibier. Ni
le Tourmalet. Pas davantage l'Izoard. Ce n'était que le Perjuret. Sans le
dramatique accident du 10 juillet 1960, personne, à part les habitants du coin,
ne connaîtrait ce col perché dans les Cévennes. C'était d'ailleurs la première
fois que le Tour l'empruntait. C'est pourtant là, dans un des derniers virages
de la descente, que la trajectoire d'un champion s'est brisée net. Celle D'un
homme, aussi. En une fraction de secondes, Roger Rivière est passé du statut de
vainqueur en puissance du Tour à celui de martyr. Sa carrière s'en est trouvée
stoppée net. Tout allait pourtant si bien pour Rivière. Idéalement
placé à 1'38" de Gastone Nencini au général à une semaine de l'arrivée à Paris,
le Forézien était convaincu de combler ce handicap lors du dernier chrono, long
de 83 kilomètres. Une aubaine pour un ancien recordman de l'heure comme lui.
Rivière s'est installé dans le costume du favori 10 jours plus tôt en s'imposant
à Lorient au terme d'une offensive d'envergure. Seuls Nencini, Adriaenssens et
Junkermann l'ont accompagné. Le quatuor a relégué le peloton à un quart d'heure.
Le vainqueur du Tour se trouve donc parmi ces quatre hommes. Or Rivière est
convaincu d'être le plus fort. La sombre prophétie
Reste que son action d'envergure a suscité une vive polémique au
sein de l'équipe de France, puisqu'elle a condamné les ambitions d'Henry
Anglade, alors porteur du maillot jaune. Légitimement, Anglade, le Lyonnais, se
sent trahi par son voisin stéphanois. Il livre aussi cette prédiction, qui
prendra malheureusement tout son sens dans la descente du Perjuret... "Nous
venons de perdre le Tour, estime-t-il. Le combat est foutu d'avance parce que
Rivière va commettre des erreurs. Ce que je redoute pour lui est pire encore. Il
va tenter de filer Nencini dans les descentes de col et je crains qu'nu jour, il
ne passe pas." En dépit de cette funeste prophétie, Anglade passe
simplement pour un mauvais perdant aigri quand s'élance la 12e étape sous un
franc soleil à Millau, en ce dimanche 10 juillet. Roger Rivière salue son
épouse, Huguette, présente sur le bord de la route. Il a tout calculé. Pour
gagner ce Tour, il lui "suffit" de suivre Nencini. Mais l'Italien, s'il n'a pas
sa classe, est en revanche un exceptionnel descendeur. Il va le prouver dans la
descente de ce maudit Perjuret, si vicelard, si sinueux. C'est l'avant-dernier
virage. Rivière ne veut pas lâcher Nencini. Il est à la limite. Puis il la
franchit, en même temps que le parapet. Fin du film. Fin de carrière.
"Roger a tombé!" Le temps s'est arrêté à cet instant
précis sur la montre du destin de Roger Rivière. Au terme d'une invraisemblable
chute, le Stéphanois s'est retrouvé 20 mètres en contrebas, sur un lit de
feuilles séchées, de cailloux et de ronces. Il ne bouge plus. Il git. C'est son
coéquipier de l'équipe de France, le bon Rostollan, témoin de la chute, qui
donne l'alerte. Il remonte la route à contresens, hébété, tremblant d'avoir
assisté à cette terrible scène. "Roger a tombé! Roger a tombé!", hurle-t-il.
Roger ne bouge plus. De multiples fractures lui interdisent le moindre
mouvement. Il faudra d'interminables minutes et d'immenses précautions pour le
sortir de son tombeau de champion. Transporté à l'hôpital de
Montpellier, le Français apprend rapidement qu'il est hors de danger. Mais il
sait aussi qu'il ne remportera jamais le Tour de France. Dire qu'il n'avait que
24 ans. Depuis son lit de souffrance, il donne rendez-vous à ses supporters qui
devenaient de plus en plus nombreux. Mais il ne reviendra jamais, à part pour
cachetonner dans quelques critériums, où des organisateurs sans scrupules lui
demanderont de faire semblant d'être toujours Roger Rivière, pour quelques
billets. La colonne vertébrale en miettes, Rivière, claudiquant,
restera en fait invalide à 70%. Il achètera, avant de la revendre, une brasserie
à Saint-Etienne, le Vigorelli, du nom du Vélodrome de Milan où il avait battu
son record de l'heure, en 1958. Une manière illusoire et désespérée de se
raccrocher à sa gloire trop tôt envolée. Roger Rivière s'est éteint en 1976, à
40 ans, emporté par un cancer du larynx. Mais sa vraie vie, celle dont il avait
rêvée, et dont il aura à peine eu le temps de jouir, avait cessé 16 années plus
tôt en bas d'un col dont il ne connaissait même pas le nom avant de s'y
effondrer. Laurent VERGNE
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